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Ben Salman bientôt à Washington : l’Arabie saoudite s’impose dans les équilibres du pouvoir mondial

Tunis – Le Point – Par Sofiene Rejeb

Le prince héritier et Premier ministre d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salman, effectuera une visite à Washington le 18 novembre prochain. Il s’agira de son deuxième déplacement officiel dans la capitale américaine depuis celui de 2018. Selon plusieurs sources proches de la Maison-Blanche, il rencontrera le président Donald Trump pour des entretiens portant sur des dossiers politiques, sécuritaires et économiques d’intérêt commun.

Cette visite, hautement symbolique, intervient à un moment charnière des relations saoudo-américaines. Car Riyad ne se positionne plus comme un simple partenaire dépendant de l’allié américain, mais comme un acteur affirmé, capable d’imposer sa vision et de défendre ses choix dans les grandes questions régionales et internationales.

D’une alliance pétrolière à un partenariat stratégique équilibré

Depuis la rencontre historique entre le roi Abdelaziz Al Saoud et le président Franklin D. Roosevelt en 1945, les relations entre les deux pays reposaient sur une équation simple : le pétrole contre la protection.

Mais cette logique a progressivement évolué. Sous l’impulsion du prince héritier Mohammed ben Salman, la relation s’est transformée en un partenariat stratégique fondé sur les intérêts mutuels, non sur la dépendance.

Grâce à des réformes économiques profondes et à une vision de développement ambitieuse, “Vision 2030”, le royaume s’est affranchi du besoin d’un appui américain au sens traditionnel du terme. Il détient désormais des leviers de puissance stratégique – énergie, investissements mondiaux, position géographique, influence régionale – qui en font un acteur incontournable dans la prise de décision internationale.

Mohammed ben Salman : le réalisme politique à son apogée

Mohammed ben Salman a compris très tôt que l’influence se construit par la stratégie et la constance, non par la rhétorique. Il a donc opté pour une politique étrangère pragmatique et réaliste, conciliant l’alliance historique avec Washington et une ouverture maîtrisée vers Pékin et Moscou, sans jamais compromettre la place centrale du royaume sur l’échiquier mondial.

Cette diplomatie d’équilibre se reflète dans plusieurs dossiers majeurs :

  • Énergie : Riyad a maintenu son engagement dans l’accord “OPEP+”, malgré les fortes pressions américaines, privilégiant la stabilité des marchés mondiaux.

  • Iran : la reprise des relations diplomatiques grâce à une médiation chinoise a marqué une rupture majeure et un tournant vers le dialogue.

  • Yémen : l’Arabie saoudite a favorisé un retour au dialogue national et à la désescalade, se positionnant comme une force de stabilisation régionale plutôt qu’un acteur du conflit.

  • La question palestinienne : Riyad revient au centre du jeu

Sur le plan régional, le rôle de l’Arabie saoudite dans le dossier palestinien illustre mieux que tout son nouveau positionnement.
Alors que certains pays arabes se sont engagés dans une normalisation accélérée avec Israël, Riyad a adopté une ligne claire et ferme :

« Pas de normalisation sans la création d’un État palestinien indépendant dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. »

Cette position, réaffirmée à plusieurs reprises par le prince héritier, marque le retour du leadership saoudien au cœur de la cause palestinienne, dans un contexte bouleversé par la guerre de Gaza déclenchée en octobre 2023 et les négociations ardues qui s’en sont suivies.

L’Arabie saoudite a joué un rôle moteur dans les efforts d’apaisement et de reconstruction de la bande de Gaza, multipliant les contacts avec Washington, Le Caire et Doha. Elle a également conduit un front diplomatique arabe unifié à l’ONU et au G20, appelant à un cessez-le-feu immédiat et à la protection des civils.

Par cette posture, Riyad s’affirme comme un pôle d’équilibre régional, alliant pragmatisme diplomatique et fidélité à la cause arabe, refusant toute instrumentalisation économique ou sécuritaire de la question palestinienne.

Un nouvel équilibre mondial : entre Washington, Pékin et Moscou

Les initiatives de Mohammed ben Salman s’inscrivent dans une reconfiguration globale du système international, où la domination américaine n’est plus exclusive.
Consciente de ces mutations, Riyad œuvre à diversifier ses alliances et à bâtir un monde multipolaire, où elle entretient simultanément des relations étroites avec les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde et l’Europe.

Cette approche traduit une stratégie d’autonomie stratégique :
préserver le partenariat sécuritaire avec Washington, développer les partenariats économiques avec l’Asie, et renforcer l’influence régionale par la médiation et la diplomatie silencieuse.

Une puissance régionale aux ambitions mondiales

La visite prochaine de Mohammed ben Salman à Washington ne relève pas du simple protocole, mais symbolise la reconnaissance internationale d’un nouvel équilibre de pouvoir.
Le royaume est passé d’une posture défensive à une position d’initiative et de leadership, que ce soit sur les marchés de l’énergie, dans la sécurité régionale ou la défense des droits arabes.

Décrivant ses échanges avec le prince héritier comme “remarquables” et le qualifiant de “leader exceptionnel”, Donald Trump traduit à sa manière la réalité d’un changement d’époque : l’Arabie saoudite n’est plus un partenaire secondaire, mais une puissance incontournable dans la stabilité du Moyen-Orient et la redéfinition des rapports de force mondiaux.

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