
Depuis une dizaine d’années, l’Égypte s’est engagée dans une mutation profonde, à la fois économique, politique et stratégique. Sous la direction du président Abdel Fattah al-Sissi, le pays a choisi la voie du redressement et de la stabilité, dans un contexte régional et international particulièrement instable.
Face aux chocs mondiaux successifs — pandémie, guerre en Ukraine, flambée des prix de l’énergie, crise de Gaza —, Le Caire a refusé l’immobilisme. Il a préféré une politique de réforme structurelle audacieuse, fondée sur la diversification de ses partenariats et la modernisation de son économie.
Un État qui choisit l’action plutôt que la résignation
Entre 2020 et 2025, l’économie égyptienne a dû absorber plusieurs crises d’envergure. Les perturbations dans la mer Rouge ont réduit de moitié les recettes du canal de Suez, et la flambée mondiale des prix a creusé un déficit budgétaire estimé à plus de 130 milliards de livres égyptiennes.
Pourtant, loin de freiner ses projets, l’État a maintenu le cap : achever les mégaprojets d’infrastructure, soutenir l’industrie locale et consolider la confiance des investisseurs. Ce choix de l’action, souvent risqué, s’est révélé payant à moyen terme.
La vision Sissi : stabilité, souveraineté et diversification
Dès le début de son mandat, le président Sissi a placé la réforme économique au cœur de sa stratégie nationale. Libéralisation du taux de change, refonte du système de subventions, ouverture au secteur privé et développement industriel : autant de mesures impopulaires sur le moment, mais essentielles pour restaurer la crédibilité financière du pays.
Entre 2022 et 2024, pas moins de 134 réformes structurelles ont été adoptées pour renforcer la production nationale et stimuler les exportations, qui ont atteint 40 milliards de dollars en 2024. Parallèlement, les réserves de change ont grimpé à 49,5 milliards de dollars fin septembre 2025, soit une progression de plus de 14 milliards en deux ans.
Cette stabilité monétaire a permis à l’Égypte de se repositionner comme un acteur crédible sur les marchés internationaux et de regagner la confiance des institutions financières mondiales.
Entre l’Orient et l’Occident : le pari des alliances équilibrées
La diplomatie économique du Caire repose désormais sur un principe simple : ne dépendre d’aucun bloc unique.
L’adhésion de l’Égypte au groupe des BRICS début 2024 symbolise ce tournant vers un monde multipolaire. Elle place le pays au centre des échanges entre l’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient.
Dans le même temps, Le Caire a consolidé son partenariat avec l’Union européenne, obtenant une enveloppe de 11,5 milliards d’euros pour accompagner ses réformes et la transition énergétique. Ce double ancrage – Sud global et Europe – traduit la volonté de l’Égypte de bâtir une diplomatie d’équilibre et d’indépendance.
Les relations avec la Chine et la Russie se sont également renforcées. Pékin investit massivement dans les infrastructures et les zones industrielles, tandis que Moscou collabore sur le projet nucléaire d’El-Dabaa. Ces alliances multiples traduisent une stratégie pragmatique : tirer parti de chaque partenariat sans se soumettre à aucun.
D’une économie de survie à une économie de production
L’un des succès majeurs du gouvernement réside dans sa capacité à passer d’un modèle de consommation à un modèle productif.
Les autorités ont accordé d’importants avantages fiscaux et fonciers aux industries locales : exonérations, restitution partielle du prix des terrains, financement à taux réduit pour les PME.
Un plan de 47 milliards de livres a été alloué pour soutenir la production nationale, encourager l’exportation et substituer les importations.
Ces mesures, combinées à une politique de rationalisation budgétaire, ont permis d’amorcer un redressement industriel durable, où l’investissement et la création d’emplois deviennent les moteurs de la croissance.
L’économie verte comme levier de croissance
L’Égypte a également compris que l’avenir se joue sur le terrain du développement durable.
Plus de 637 milliards de livres sont consacrés dans le budget 2025/2026 à des projets liés à l’énergie renouvelable, à la digitalisation et à la modernisation des transports.
Cette orientation fait du pays un acteur de référence en matière de transition écologique en Afrique, tout en ouvrant de nouvelles opportunités d’investissement international.
Sous l’impulsion du président Sissi, la stratégie nationale « Vision 2030 » fixe des objectifs ambitieux : porter la croissance à 7 % d’ici la fin de la décennie et faire du secteur privé le principal moteur du développement.
Une puissance régionale incontournable
Le renouveau économique de l’Égypte s’accompagne d’un rôle politique accru dans la région.
Le Caire demeure un médiateur essentiel dans les crises du Moyen-Orient, qu’il s’agisse du conflit israélo-palestinien, de la guerre au Soudan ou du dossier libyen.
La diplomatie égyptienne, alliant fermeté et pragmatisme, lui a valu la reconnaissance des grandes puissances.
La récente visite du président américain Donald Trump à Charm el-Cheikh, pour sceller un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, a symbolisé ce retour de l’influence égyptienne au plus haut niveau.
Sur le plan économique, cette stabilité géopolitique attire les capitaux étrangers, notamment du Golfe et de l’Europe, convaincus que l’Égypte est aujourd’hui le pilier de la stabilité régionale.
La reconnaissance internationale et la confiance retrouvée
Les agences de notation – Moody’s, Fitch, Standard & Poor’s – ont relevé la note de l’Égypte à B- avec une perspective stable.
Le FMI prévoit un taux de croissance de 4,5 % en 2025, contre 2,7 % en 2024, soutenu par les grands investissements tels que le projet Ras el-Hekma (150 milliards de dollars).
Ces chiffres traduisent un retour de la confiance et une consolidation du modèle égyptien, fondé sur la résilience et la planification à long terme.
Une politique sociale au cœur du modèle égyptien
Loin d’un libéralisme brut, la stratégie du Caire conserve un visage humain.
Les programmes « Hayat Karima » et de logement social représentent la dimension solidaire des réformes.
Ils visent à réduire les inégalités, à améliorer les infrastructures rurales et à offrir des opportunités réelles aux jeunes et aux femmes.
Cette dimension sociale confère à la politique économique égyptienne une légitimité que bien peu de pays en développement peuvent revendiquer.
L’Égypte de demain : stabilité et ambition
Alors que le monde traverse une période d’incertitude, l’Égypte se distingue par sa capacité à maintenir le cap.
Grâce à une vision claire, une discipline budgétaire rigoureuse et une diplomatie ouverte, elle est parvenue à se repositionner comme un acteur central entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe.
La décennie écoulée a transformé le pays. La prochaine s’annonce comme celle de la consolidation : celle d’une Égypte confiante, productive et indépendante, prête à assumer son rôle de pôle de stabilité dans un monde en mutation.





