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La mort au Soudan est-elle devenue plus légère qu’un simple fait divers ?

LePointtn-Sofien Rejeb

Alors que le monde s’émeut à juste titre des drames en Palestine ou en Ukraine, le Soudan, lui, s’enfonce dans un silence assourdissant. Une guerre fratricide ravage ce pays depuis plus d’un an et demi, laissant derrière elle des millions de déplacés, des villes entières détruites, et une indifférence internationale presque totale.

Depuis avril 2023, les combats entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide ont plongé le pays dans un chaos d’une ampleur rarement vue. Khartoum est devenue une capitale fantôme, Darfour est de nouveau le théâtre de massacres ethniques, et les infrastructures vitales — hôpitaux, écoles, réseaux d’eau — ont cessé de fonctionner. Selon les agences humanitaires, plus de 25 millions de Soudanais ont aujourd’hui besoin d’aide urgente, mais moins d’un quart des fonds nécessaires ont été mobilisés.

Une tragédie sans témoins

La guerre du Soudan n’est pas seulement oubliée : elle est invisible. Les médias occidentaux y consacrent à peine quelques lignes, les chancelleries s’y intéressent par inertie, et l’opinion publique mondiale semble avoir tourné la page avant même de l’avoir lue. C’est une tragédie qui se déroule hors champ, sans caméras, sans hashtags, sans marches de solidarité.

Cette indifférence n’est pas neutre. Elle révèle une hiérarchie implicite des vies humaines. Quand les victimes ont la peau blanche, les capitales s’illuminent de drapeaux ; quand elles sont africaines, on se contente d’un communiqué de presse. C’est le reflet d’un racisme structurel ancré dans les priorités politiques et médiatiques du monde contemporain.

Une guerre sans horizon

Les tentatives de médiation menées par les Nations unies, l’Union africaine ou les initiatives régionales comme le processus de Djeddah n’ont jusqu’ici produit aucun effet durable. Chaque camp espère un impossible triomphe militaire, et chaque jour de guerre emporte un peu plus d’avenir. Les civils, eux, fuient à travers un pays disloqué, cherchant refuge dans des États voisins déjà fragiles comme le Tchad ou le Soudan du Sud.

Le prix du silence

Ce qui se joue au Soudan dépasse la seule rivalité entre deux généraux. C’est la dislocation d’un État, la mort lente d’une société, et l’échec collectif de la conscience internationale. Dans un monde saturé d’images et de discours humanitaires, le silence qui entoure ce conflit en dit long sur la sélectivité de l’émotion mondiale.

Le Soudan ne demande pas la compassion, mais la justice. Il ne réclame pas des larmes, mais un engagement réel : ouverture de couloirs humanitaires, pressions diplomatiques, soutien à la reconstruction. Car si la communauté internationale continue à détourner le regard, alors oui — au Soudan, la mort sera devenue moins chère qu’un simple fait divers.

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